Il est des objets humbles dont la fonction, si discrète qu’elle paraisse, ouvre un monde de sensations raffinées ; tel est le filtre à thé que l’on pose, frêle passerelle de métal ou de soie, sur le bord d’une tasse fumante.
À travers son maillage fin s’écoule lentement le breuvage ambré, libéré des caprices végétaux des feuilles, qui demeurent prisonnières comme des souvenirs qu’on laisse au passé. Dans ce léger ruissellement s’accomplit un rite : le geste retenu, presque dévot, de celui qui verse le thé sans hâte, observant la vapeur se mêler à la lumière.
Bientôt, dans la tasse immobile, se fixe un instant de perfection domestique, un moment suspendu entre la main et la mémoire. Et l’on se surprend à songer que, peut-être, tout plaisir véritable procède d’une délicate retenue, d’un art patient du filtrage, où la pureté naît du soin silencieux accordé aux détails.
